Frank Baldwin à la vue du couple Samed eut l’impression de s’être mépris sur leur  force d’âme, Gouvim tendit une main froide à son hôte. Lewis Bakthrom  devint l’interlocuteur  privelégié des Américains, Ayam s’étonna de l’absence de Ephraïm Nidock, personne ne lui en fournit la raison. De Chavez voulut connaître l’historique de la ferme, d’une voix sereine Ayam raconta le parcours de sa ligne généalogique, l’officiel releva le soin de la jeune femme à citer nommément les différents gouverneurs Ottomans, coloniaux et israéliens avec lequel sa famille a eu maille. Il remarqua en son for intérieur  « Il est évident à l’entendre qu’il n’en demeure pas moins que les Israéliens sont des usurpateurs que la communauté internationale a légitimé au mépris du droit et de la justice. »

-Notre domaine n’est pas un kibboutzim, c’est pourquoi nos difficultées sont diverses, en tout cas père s’en est sorti .

-Madame ni vous ni votre mari vous n’êtes des agriculteurs comment faites-vous ?

-C’est simple, je ne suis pas totalement profane en la matière ,nous avons trois cultivateurs arabes et nous avons un ingénieur agronome Hamza Bourak qui nous conseille.

-Ses cultivateurs sont-ils des salariés ou louent-ils des portions de votre terre ?

-Ils exploitent la terre et les bénéfices sont divisées en trois parts, les impôts engloutissent pas moins de 60% de nos rentrés d’argent, la deuxième partie va à nos paysans  avec 8% en moins qui équivaut au prix du matériel et de l’eau que nous mettons à leur disposition.  

-Je dois vous dire que les El Aed ont accomplis un tour de force car leur trente cinq  hectare de terre était totalement inculte au dix-huitième et dix-neuvième siècle, si ce n’était pas l’abnégation, l’acharnement, la perséverance  de cette famille la terre ne produirait pas la moyenne actuelle de une tonne et demi de fruit et légume et le puits Zakariya devrait décupler leur capacité de production. Expliqua Issam Samed .

Gouvim  silencieux eut un froncement de sourcil à l’évocation du puits, Backthrom abonda dans le sens de son collègue :

- Les Samed ont moins d’infrastructure, de moyen et d’opportunité comparé au kibboutzim voisin mais la découverte et le forage du puit Zakariya devrait contrebalancer ce manque, et leur permettre d’accéder à une production optimale .

A ce stade de la conversation Ayam dut se retirer pour répondre à l’appel de Jawad ,se dirigeant lentement sur ses béquilles vers le bureau de son père elle ne put s’empêcher de sourire à la remarque formulé à haute voix par Lewis Backthrom :-Tiens on vous a réparé la ligne.

-Ma chère Ayam ,je suis désolé mais toutes mes tentatives de mettre en défaut la procédure de l’arrestation de Wael se sont soldés par des échecs ,je ne suis pas très fier de moi…

Elle l’interrompit vivement :-Je vous en prie oncle Elias je suis sûre du contraire ,je sais que vous avez fait tout votre possible ,Wael et moi avons envisagé cela ,ce qui doit compter désormais est le jugement de ce jeudi ,en annulant l’annexion Menachir devrait automatiquement prononcé la mise en liberté de Wael, est-ce que c’est juste ?

-Oui ,et tout mon souci à présent se concentre sur deux objectifs ,obtenir une double annulation de l’inclusion dans la zone fermé et l’expropriation de la ferme et du puits .S’expliqua l’avocat ,je dois vous signaler un autre fait grave .

-Lequel ?

-Hook vous a t-il contacté ?

-Non .

-Eh bien !Il m’a apprit ceci que tant qu’il n’a pas encaissé le prêt ,les intérêts augmenteront jusqu'à ce qu’il perçoit dans les faits toute la somme dû .Déclara le vieil ami de Zakariya.

Devant ce nouveau coup dur la jeune femme s’enquit :-Sommes-nous capable à votre avis de faire face à cette nouvelle exigence ?

-Oui mais à une seule condition,celle de pouvoir garder la ferme et de toucher les indemnités de l’assurance .Dit son interlocuteur.

-Justement tout dépendra du résultat de l’enquête en cours et du jugement de ce jeudi sinon je le sais nous allons tout droit vers la ruine .Fit Ayam le ton soucieux.

-Je vous en prie mon enfant ,nous devrions être optimiste ,même si la sentence de Menachir sera en notre défaveur ,nous avons toujours le droit de nous référer à la cour suprême.Dit l’avocat ,Ayam le convint en se gardant toutefois d’exprimer le fond de sa pensée ,elle et Wael ne pourrait le cas échéant faire front aux dépenses qu’occasionnerai un recours à la cour suprême,une autre préoccupation l’effleura :-Dites-moi maître ,Jackobson Hook nous avait promis de nous remettre la réponse de l’administration de la banque quant à notre projet d’exploitation du puits aujourd’hui ,ne vous a t-il rien confié à ce sujet ?

-Non,je pense qu’il devrait vous rendre visite d’ici demain .

-Bien ,voulez-vous lui dire de vous charger de la réponse s’ il lui serait  impossible de nous voir ?

-Bien sûr .Acquissa l’avocat ,qui prit congé d’elle 

Le bip bip résonna soudain dans un silence lourd, Ayam répondit, la voix d'une inconnue résonna :

-Ephraïm, où es-tu ?

-Désolée, M. Nidock n'est pas disponible, fit le ton contrit Ayam.

-N'est-ce pas là son mobile ?  Fit le ton abrupte l'inconnue.

-Si. Confirma Ayam. Notre ligne est en dérangement, monsieur Nidock a bien voulu nous prêter aimablement son cellulaire .

L’inconnue raccrocha sans autre préambule, Ayam fronça les sourcils, évoquant sa conversation avec Jawad elle eut tôt fait d’oublier son interlocutrice de tantôt .

Dans le bureau de Ephraïm Nidock le téléphone sonna, celui-ci décrocha l’air contrarié :

- Ici Golda, où es-tu ? N’a t-on pas prévu de déjeuner ensemble aujourd’hui ? Fit la voix de sa femme. Il avait totalement oublié le rendez-vous qu’ils s’étaient donnés dans un restaurent de la banlieue huppée de la ville moderne.

- Navré, je suis débordé ces deux derniers jours et j’ai manqué de remonter mon mémorisateur électronique, je me rattraperai ce soir même, ne peut t-on dîner au même endroit si oui réserve à ma place ?

-Désolée, j’ai une patiente à opérer cette nuit, je ne puis me libérer. Reportons ce déjeuner à plus tard, à propos veux-tu me dire pourquoi tu te sens obligé de laisser ton cellulaire chez des arabes et sans me prévenir en plus ? Et puis qui sont ces gens là ?

Ephraïm répondit par un lapsus :

- Ce sont des gens bien que je connais, pour le reste je suis dans mon tort. Je suis en réunion, je suis forcé de te quitter, à demain puisque tu es de garde ce soir .

Il n’obtint pour toute réponse qu’un déclic sec, Golda lui avait raccroché au nez. Elle n’était pas commode quand elle se mettait en colère et plus d’une fois il se félicitait de s’être mis d’accord avec elle dés le premier jour de leur mariage à séparer vie privée de vie professionnelle. Chirurgienne et militante zélée du parti religieux extrémiste Gush Emunin, chacun entretenait une conception d ‘Israël diamétralement opposée à l’autre. Golda ne voulait pas entendre parler d’un Israël multiconfessionnel et multiethnique, elle martelait sans cesse à chaque fois qu’elle prenait la parole devant des adolescents de la jeunesse israélienne « Israël est une entité purement juive messianique et le Dieu à qui nous devons obéissance ne tolérerait pas qu’on associe à son Israël des éléments non juifs . »

- Ne me dites pas que votre femme ignore les menaces dont vous êtes l’objet ? Fit Eitan Blum .

Ephraïm détestait parler de sa vie privée à des gens du dehors « Je ne suis pas censé mêler ces gens là à ma vie personnelle, ce qu’il y a entre moi et Golda ne regardent que nous deux. » Se dit-il, et le ton ferme il répéta cette dernière pensée à haute voix.  Eitan le responsable régional du parti travailliste ,la cinquantaine passé observa longuement ce jeune ashkénaze de trente-huit ans. Il n’était là que depuis une demi-heure et la mission dont il était investie lui paraissait de plus en plus dérisoire. Il était venu tirer les oreilles à Nidock, lui recommandant une grande retenue et de baisser de plusieurs cran son soutien au couple Samed et le voici maintenant contraint de reconnaître que sa tâche s’avérer ardue, Ephraïm très réticent refusait de se rendre aux arguments de son supérieur