-Où en étais-je ? Ah oui! distraits par le phénomène du vent, Mohamed et ses petits compagnons avaient sursauté violemment en apercevant à quelques pas d’eux un vieillard, et tout de blanc  vêtu à la barbe blanche !

Comment avait-il fait pour s’approcher sans bruit ? Le sol était jonché de petite pierre fine et le son d’un pas pouvait s’entendre de loin.

Le visage rayonnant, le vieillard fit :

-Qui êtes-vous ? s’était enquis l’aîné des fils de Sâadia, Abed.

-Quelqu’un qui ne vous veut que du bien.

S’entre-regardant entre eux, les garçons étaient méfiants. Ils connaissaient de vue presque tous les hommes de la tribu, et cet homme leur était totalement inconnu.

A nouveau, Abed s’interposa en interlocuteur:

-Que nous voulez-vous dans ce cas ?

-Je suis envoyé à ton demi-frère Mohamed.

Aussitôt, les demi-frères se rebiffèrent:

-Il est sous notre garde, ne t’avise pas de t’approcher de lui.

-Je vous l’ai déjà dit ;  je ne lui veux que du bien et notre fils parfait Mohamed n’a besoin que d’un seul geste.

Ahuris, à nouveau, ils échangèrent un coup d’oeil perplexe entre eux.

Cette fois, Mohamed l’intéressé se manifeste:

-Quel est ce geste vénérable sheikh ?

Le vieillard eut un sourire éblouissant:

-Voyez la politesse de votre frère élu.

-Elu! se répéta Abed abasourdi.

-D’abord, n’ayez pas peur de moi, si j’étais capable de vous faire du mal, je l’aurais fait.

-Et si vous nous disiez quel est ce geste ?Fit Abed qui s’impatientait.

En guise de réponse, le vieillard tout en blanc, allongea la main vers Mohamed doucement.

Au lieu de reculer, Mohamed se tint droit, prêt à toute éventualité.

Inexplicablement, il faisait confiance à cet inconnu venu de nulle part. 

-Ne touche pas à mon frère, gare à toi, s’écria Abed.

Le plus jeunes des garçons, quatre ans et demi se cacha les yeux.

Très rapide pour son âge, le vieillard, souleva l’habit de Mohamed et plongeant sa main dans le coeur de l’enfant, il tira une chose noire puis une matière que Abed ne sut nommer, sous le regard figé de ce dernier, le sheikh lava cette matière dans un bol d’un jaune doré lumineux puis la replaça dans le coeur de Mohamed.

Poussant un cri, Abed s’exclama alarmé:

-Qu’avez-vous fait ?

Cela s’était passé si vite qu’il n’avait pu faire quoi que ce soit. Dévisageant Mohamed, il constata que celui-ci sain et sauf avait le même air tranquille de tantôt.

Se retournant vers l’intrus, il eut un haut le corps, le personnage avait disparu !

"Oh!" L’étonnement parmi les petits était à son comble !

Dans une cascade de question, Radhia fut submergée d’interrogations :

Qui était ce vieillard ?

Que voulait-il à notre petit prophète ?

Que lui a t-il fait ?

Comment a t-il plongé sa main dans le coeur de Mohamed ?

Comment Mohamed n’a t-il rien ressenti ?

Comment se fait-il que notre prophète n’ait souffert d’aucun mal ?

Où était passé le vieillard ?

Brusquement, l’attention de la maîtresse fut attirée par Haidar. Celui-ci le corps présent, l’esprit ailleurs avait le regard perdu, pendant un moment, il semblait loin, très loin d’eux. Elle ne voulut pas le ramener à la réalité.

C’était la mi-journée, la lumière du jour éclatante et une brise fraîche se fit sentir sur leurs visages.

- Tout va bien, Mohamed ? s’était enquis Abed anxieux.

Lui mettant la main sur l’épaule droite, l’enfant dédia un grand sourire à son frère aîné. Rassuré, Abed sentit une force venir des doigts délicats posés sur sa nuque.

 Il examina longuement son demi frère de lait, "l’élu"avait-il pensé.

A ce moment, Hani le cadet montra du doigt quelque chose,  au loin:

-Regardez, leur cria t-il.

Suivant la direction de sa main, les garçons hébétés virent un dattier, si grand et si frêle !

-Je rêve ! s’écria Abed.

-Venez, reprit-il, je veux me rendre compte par moi-même.

D’un même mouvement, ils se dirigèrent tout droit vers le magnifique arbre.

Abed n’en crut ses yeux qu’a l’instant où il toucha le tronc vigoureux.

-Eh bien ! si je m’en doutais, c’est le jour des miracles aujourd’hui.

En faisant le tour, Mohamed, impressionné, fit :

-Nous sommes venus ce matin par cette route, nous n’avons pas vu de dattier.

Abed acquiesça :

-Est-ce une manifestation du vieillard de tout à l’heure ?"

A peine, le bras de Mohamed se posa t-il sur l’arbre, qu’une pluie de datte fraîches et bien mûres tomba.

D’un même élan, ils applaudirent cet autre miracle. En mangeant d’un bel appétit, Mohamed se sentit léger et si bien, qu’il ferma les yeux.

Ils s’éveillèrent après une courte sieste:

-On s’en va, mama doit s’inquiéter, nous ne sommes pas rentrés déjeuner, annonça Abed.

Et c’est avec un grand regret qu’ils prirent le chemin du retour. Une fois  à bonne distance, les enfants se tournèrent vers le dattier. Il était là, fier et majestueux. Puis, tout à coup, une silhouette blanche se détacha de lui.

"Oh!""Oh!""Oh!"