Les opérations secrètes sur le terrain
Pour ce faire, ils sont parvenus à retourner le parti kurde syrien marxiste-léniniste YPG (désormais dénommé « Forces démocratiques de Syrie ») et à l’allier au clan Barzani d’Irak. Certes, les deux groupes sont kurdes, mais ne parlent pas la même langue, ils se sont entretués durant toute la Guerre froide, et se réclament d’idéologies diamétralement opposées [8].
Rappelons au passage que, désormais, le Gouvernement régional kurde d’Irak est une dictature. Son président Massoud Barzani, un agent du Mossad installé par le Royaume-Uni et les États-Unis, s’accroche au pouvoir depuis la fin de son mandat, en juin 2013 [9].
Ils ont poussé les « Forces démocratiques » (sic) à kurdiser de force les populations non-Kurdes du Nord de la Syrie (octobre 2015), provoquant le soulèvement des arabes et des chrétiens assyriens et la colère de Damas, mais aucune réaction internationale [10]. Il n’y en avait d’ailleurs pas eu lors de l’annexion des champs pétroliers de Kirkouk par le Gouvernement régional kurde d’Irak (été 2014), l’opinion publique internationale n’ayant d’yeux que pour le nettoyage ethnique pratiqué par Daesh. À l’époque, non seulement les grandes puissances n’avaient pas condamné la guerre de conquête du Gouvernement régional kurde d’Irak, mais avaient proposé de lui fournir directement des armes, sans passer par le Gouvernement central de Bagdad, prétendument pour lutter contre Daesh.
Les parties au conflit n’annonceront pas faire la guerre pour créer un État colonial israélien et prendre les États arabes résistants en tenaille, mais dès que cela sera nécessaire déclareront lutter pour un Kurdistan indépendant ; une position grotesque puisque le territoire concerné n’a jamais appartenu au Kurdistan historique et que les Kurdes y sont largement minoritaires (moins de 30 % de la population).
Le 5 novembre, la France annonçait l’envoi du porte-avions Charles-De-Gaulle sur zone, prétendument pour lutter contre Daesh, en réalité pour se positionner en vue de la 3ème guerre de Syrie [11]. Le bâtiment a quitté Toulon, son port d’attache, le 18 novembre.
Du 13 au 15 novembre, le Gouvernement régional du Kurdistan d’Irak, appuyé par les « Forces démocratiques de Syrie » ont repoussé Daesh du Mont Sinjar (Irak). En réalité, les soldats de Daesh s’étaient retirés ne laissant que 300 hommes face à une coalition de plusieurs dizaines de milliers de soldats. La zone libérée n’a pas été restituée au Gouvernement irakien, mais annexée par le Gouvernement régional kurde d’Irak.
Bien qu’elle fasse mine de ne pas soutenir cette opération et de la condamner, la Turquie l’a approuvée lors du Traité secret Juppé-Davoutoglu de 2011. Si le pseudo-Kurdistan était créé, elle ne manquerait pas d’y repousser les militants du PKK.
La résolution 2249 autorise de facto la nouvelle guerre
Le 20 novembre, la Russie tentait de faire passer une nouvelle fois la proposition de résolution qu’elle avait rédigée pour la séance du 30 septembre et qu’elle avait été contrainte de retirer [12]. Tout au plus modifiait-elle son texte en incluant des références aux attentats de Souse, du Sinaï, d’Ankara, de Beyrouth et de Paris, ainsi qu’en mentionnant l’article 51 de la Charte (droit à la légitime défense). Une seconde fois, elle devait renoncer à son texte et laisser passer une proposition française légalisant toute intervention militaire contre Daesh en Syrie et en Irak, ce que le Conseil approuvait à l’unanimité (résolution 2249) [13]. Bien qu’elle puisse être interprétée de plusieurs manières, la résolution piétine de facto la souveraineté nationale de l’Irak et de la Syrie. Elle autorise les grandes puissances à s’y ingérer pourvu qu’elles prétendent lutter contre Daesh [14]. Il s’agit évidemment de libérer le Nord de la Syrie de Daesh, non pas pour le restituer à la Syrie, mais pour y proclamer un État indépendant sous autorité kurde.
La Russie ne s’est pas opposée à cette résolution et l’a votée. Il semble qu’elle souhaite pour le moment profiter du plan franco-israélien pour repousser Daesh hors de Syrie sans pour autant accepter le principe d’un pseudo-Kurdistan. La création d’un tel État n’a aucune légitimité en droit international (les Kurdes de Syrie ne sont pas opprimés, mais jouissent des mêmes droits que les autres citoyens). Elle rouvre la question des droits des minorités déjà posée par la création du Kosovo par l’Otan. Elle autorise de facto tout groupe ethnique, quelle que soit sa situation politique, à revendiquer un État indépendant, ce qui implique par voie de conséquence la possible dissolution de la plupart des États au monde —y compris la France— et le triomphe de la « globalisation ».
À retenir :
Le Kremlin et la Maison-Blanche se sont entendus pour couper les financements de Daesh. Ils ont bombardé en Irak et en Syrie les camions-citernes de la société de Bilal Erdoğan et isolé les banques de Daesh.
Après l’annexion des champs pétroliers de Kirkouk en juin 2014, Israël et la France sont parvenus à poursuivre l’extension du territoire du Gouvernement régional kurde d’Irak (annexion des Monts Sinjar) et à lancer la conquête du territoire non-Kurde du Nord de la Syrie par le YPG désormais dénommé « Forces démocratiques de Syrie ». Ils entendent à terme faire fusionner les deux entités et proclamer l’indépendance d’un État prétendument kurde.
La création d’un pseudo-Kurdistan dans des territoires non-Kurdes n’a aucune légalité en droit international. Elle vise uniquement, avec celle du Sud Soudan, à prendre en tenaille les principaux États arabes (Égypte, Syrie et Irak) pour réaliser le rêve d’une puissance israélienne du Nil à l’Euphrate.