Haidar arriva les mains vides. La maîtresse d’école Radhia Abbas, lui fit remarquer:
-Aujourd’hui, c’est la fête.
-Oui, mademoiselle.
Elle s’abstint de faire allusion au fait que le petit garçon de sept ans n’avait pas apporté sa part de Tamina (un plat mélange de semoule moyenne, beurre et miel) et les bougies, se contentant de lui indiquer sa place auprès de ses camarades.
Autour de lui, c’était un grand remue-ménage, entre joie et arrangements, les enfants se promettaient un bel après-midi avec Radhia Abbas.
Sage, Haidar aidait à dresser les bougies l’une après l’autre sur les tables disposés en cercle.
Une fois le calme revenu, les visages ingénus se tournèrent vers leur jeune maîtresse.
"Aujourd’hui, nous fêtons la naissance de notre prophète Mohamed, Paix et Salut sur lui. La lumière de toutes les bougies et feux du monde n’égaleront jamais le message céleste que nous a transmit notre prophète béni, mes enfants."
-Ah! fit la classe.
Tout le monde guettait la suite.
-D’où je viens, c’est la montagne bleu, fit tout à coup Radhia.
Les petits yeux s’arrondirent.
Levant la main, Haidar, en élève discipliné demanda la parole:
-Oui ? Lui répondit-elle.
-Vous voulez dire que la couleur de la montagne est bleu mademoiselle ?
-Oui et non.
A nouveau, le silence s’installa.
Prenant une bougie, Radhia reprit le fil de son discours:
"C’est dans une ville du désert, cerné de montagne bleu que le Prophète Mohamed est né. Au moment de l’accouchement, sa maman vit l’endroit illuminé, resplendir d’une lumière extraordinaire. Une lumière qu’elle n’avait jamais vue auparavant, l’éclaira jusqu’à lui faire découvrir les palais de grands pays."
"A l’aube de ce jour sacré, toutes les montagnes de pierres, rocailleuses cassantes qui entouraient Mekka s’étaient teintées d’un bleu royal. Une ligne de lumière à l’horizon dégageait la vue et révélait peu à peu les toits et le sanctuaire cubique Al-Keeba."
"C’est au pied de ces hautes montagnes, au panorama époustouflant, au pied de ces montagnes hautes, que le petit Mohamed vint au monde."
Replaçant la bougie sur son bureau, Radhia, posa un regard tranquille sur les tendres frimousses, ils étaient tout ouïe.
Satisfaite, elle dit :
"Amina Bint Wahb la maman de Mohamed que la Paix d’Allah soit sur lui mourut quelques années plus tard, et l’enfant à peine âgé de six ans se vit priver de l’amour maternelle. Son grand-père paternel le prit aussitôt sous son aile. En grandissant ainsi sous l’ombre majestueuse du patriarche des Hachem, qui appartenait à l’illustre tribu de Qoraïch, le petit garçon Mohamed devint bientôt très connu. C’était un enfant tout ce qu’il y avait de plus sage, paisible, et très réfléchi. Il se posait des questions simples.
Très propre, il ne s’éveillait jamais avec cette sorte de croûte au fond des pupilles, et l’eau s’amusait entre ses doigts. Respectueux des grands de la famille, c’était un enfant serviable. Mais, hélas, la protection de son grand-père vint à lui manquer trop rapidement et son oncle paternel occupa dés lors une place de choix dans son coeur si pur."
"Ce n’était pas du tout facile, perdre un grand-père de la trempe de Abdel Motalib, c’était voir s’en aller pour une seconde fois, son inestimable maman.
Cependant l’éducation que le petit Mohamed avait reçue dans les grands espaces, chez la dame Saadia, celle qui l’avait nourri de son lait des mois durant, l’avait pourvu d’une bonne santé et d’une vigueur particulière. Entouré de ses fils, des enfants de son âge, Mohamed s’était épanoui sous la garde jalousement attentionnée de celle, qu’il considérait comme une mère dévouée.
Un matin, il décida d’accompagner ses frères de lait dans les pâturages. Il s’habilla décemment après avoir bu sa ration de lait de chèvre frais et mangé sa galette croustillante puis sortit tout heureux.
Aller au loin et courir à l’air libre non loin du troupeau de chameaux et de moutons, c’était un tel bonheur !
Le berger Afram avait vu passer devant lui les trois garçons. Tout à leur jeu, les enfants s’amusaient fermement. Dans le feu de l’action, Mohamed tomba sur son genou droit, et les deux autres se précipitèrent vers lui:
-Est-ce que tu vas bien ?
Il s’empressa de les rassurer:
-C’est juste, un mauvais mouvement, fit-il.
Soudain, derrière eux, un vent frais souffla. S’étant à moitié retournés, les garçons ne pouvaient voir la silhouette qui arrivait à leur droite.
Marquant une pause, Radhia fit signe à ses élèves de manger leur Tamina :
-C’est l’heure du goûter, leur dit-elle.
-Continuer maîtresse, je vous en prie.
Elle sourit, il n’y a pas mieux qu’une histoire contée pour les rendre attentifs.