Tales Nouvelles

Il était une fois à Prague 4 Quatrième Partie

Par Afaf Aniba

 

 

Frantz et Djaïna furent menés jusque devant la porte à battant qui avait refusée de s’ouvrir sous la poussée du jeune homme tantôt.

En s’ouvrant, le couple se sentit soudain portés par des ailes invisibles au coeur de la cour impériale Russe. Le décor rappelait la salle du trône* des Tsars de Russie au palais d’hiver à Saint-Petersbourg.

De part et d’autre il y avait des personnes inconnus et au bout de l’allée qui s’était ouverte devant lui et sa femme il y avait une personne debout. La gorge noué, ils s’avancèrent la main dans la main. Djaïna très intimidée baissait les yeux toute réconfortée par la pression de la main de son mari.

S’immobilisant enfin devant la personne qui leur tournait le dos, Frantz vit fiché sur le mur au dessus de leur hôtesse les deux épées qu’il avait vue sur le pont Charles à Prague.

Se tournant lentement vers le couple, la longue dame drapée fit face enfin. Djaïna sourit spontanément devant le visage réjouie de son hôtesse qui les salua avec une courtoisie royale.

-Je vous souhaite la bienvenue parmi nous, Madame et Monsieur, fit la jeune femme dans un Tchèque sans accent.

Frantz regarda droit dans les yeux de la jeune femme un court instant.

Il ressentit un choc, le regard que l’inconnue drapée avait posé sur lui était celui d’une personne qui le rencontrait pour la première fois, rien dans l’expression qu’avait reflété ses yeux ne donnait l’impression qu’elle le connaissait ou le reconnaissait, il était devant une inconnue et pourtant c’était bien elle, pendant un court instant très troublé il en douta “Etais-ce réellement elle  ?”

Il eut tôt fait de se ressaisir, il devait soutenir sa femme et Djaïna en cet instant surtout comptait sur lui.

C’est pourquoi, il entendit stupéfait la dame inconnue se présenter ainsi :

-Vous devez d’abord savoir madame Djaïna qui je suis, je m’appelle Ekaterina l’arrière petite-fille du grand duc Michel Alexandrovitch de Russie et je suis la mécène de ce pensionnat que vous allez gouverner pour élever nos jeunes filles selon les traditions millénaires de l’Eglise Orthodoxe et les préparer à leur rôle naturel dans un environnement qui souffre de perte de repère et de valeur, j’ai pour souci majeur de former une génération de femme à même capable d’épauler nos hommes dans leur mission sacré d’oeuvrer à la gloire de nos patries.

La femme de Frantz avec une maîtrise parfaite de soi répondit :

-Je suis honorée de votre choix et de votre confiance Altesse et j’espère être à la hauteur de ma mission et vous donner pleine satisfaction.

Ekaterina Alexandrovitch eut un sourire fin :

-Pas de titre de noblesse, je vous prie, nous sommes tous citoyens libres de l’Europe donc appelez-moi simplement  madame, si vous voulez de plus ample information, vous pouvez vous adresser à l’excellente madame Etuna.

 

Il vit sa femme évoluer avec aisance entre les prestigieux invités de la princesse Russe, elle parla longuement à un professeur Hongrois connu pour son oeuvre sur l’apprentissage de l’enseignement traditionnel. Un léger souper leur fut servi et la soirée prit fin tôt car pour la mécéne royale la grande duchesse Ekaterina Alexandrovitch, tout le monde devait respecter le fait que Djaïna devait commencer son stage le lendemain tôt.

La princesse tint à rester pour remercier tous les visiteurs qui avaient répondus à son invitation et elle fut la dernière à partir, au moment de le faire, elle se tourna vers Frantz et le stupéfia en lui disant :

-Il me semble Monsieur que vous me confondez avec quelqu’un d’autre.

Puis saluant chaleureusement sa femme, elle rabattit le capuchon de sa cape et partit au bras de son jeune mari qui s’était tenu à ses côtés durant toute la réception.

Confondu, Frantz resté sans voix vit le regard de Djaïna posé sur lui, un regard interrogateur.

Fatiguée par les émotions de la soirée, l’épouse de Frantz ne dit rien, elle s’endormit très vite.

A l’aube, elle s’éveilla pour trouver son mari les yeux ouverts :

-J’espère que tu as bien dormi Frantz, lui dit-elle dans la voix une note de sollicitude.

Il lui sourit affectueusement :

-Oui, n’ai crainte.

-Bien, je ne te dirais rien maintenant mais au déjeuner de midi, j’aurais à discuter avec toi.

Il la vit faire sa toilette, mettre l’habit de convenance et d’un geste preste, elle lui lança un salut amusé et partit.

Frantz avait bien dormi mais deux heures avant l’aube, il s’était réveillé avec une conscience aïgu du lapsus qui existait à présent entre lui et sa femme, il avait longuement réfléchi et avait mûri une décision “Je ne lui dirais toujours rien et je ne mentirais pas si je lui dirais que la princesse Russe a une ressemblance frappante avec une personne que j’ai croisé à Canberra et avec laquelle j’ai eu un échange professionnel tout au moins pour la dame drapée …”Se dit-il.

Est-ce que Djaïna se contenterait de cette réponse ou pousserait loin  ? Je verrais je sais assez bien me tirer de cette situation en improvisant, se rassura t-il.

Puis, il avait concentré sa pensée sur la soirée de la veille et son héroïne, la grande Duchesse Ekaterina très perspicace avait su relevé son regard insistant sur elle et  sa phrase sybilline, l’avait dérouté au début mais maintenant il allait la prendre à la lettre “Nous sommes tous citoyens libres de l’Europe donc appelez-moi simplement  madame, si vous voulez de plus ample information, vous pouvez vous adresser à l’excellente madame Etuna.”

Et il allait de ce pas appliquer le fait.

Après une toilette soignée, il prit son petit déjeuner seul dans la grande et majestueuse salle à manger puis cherchant, madame Etuna, il fut conduit à son bureau au rez-de-chaussée.

L’accueil qu’elle lui fit lui apprit instinctivement, qu’elle escomptait sa visite.

-J’espère que tout va pour le mieux pour vous Monsieur, commença-t-elle.

Il approuva du chef en déclarant :

-Oh ! Votre hospitalité est excellente, je dirais même royale.

Un sourire effleura le visage grave de la directrice.

-Moi et Djaïna nous sommes Tchèques et apolitique et pourtant je sais que la famille royale Russe ne s’est pas prononcé sur l’agression militaire Russe sur l’Ukraine et comme je suis un homme soucieux de respecter les lois de mon pays, je veux connaître la position de la grande duchesse Ekaterina Alexandrovitch sur cette guerre injuste ?

Un silence se fit puis d’une voix égale, madame Etuna fit une réponse toute prête :

La grande duchesse est Russe, a un passeport Russe, réside en Géorgie et ne se mêle pas de politique et n’a qu’un seul voeu de voir les peuples Russes et Ukrainiens vivre en paix.

Le ton était définitif, ce qui voulait dire qu’il ne pouvait s’attendre à des explications plus étoffés.

Il ne revit pas sa femme au déjeuner, il passa le reste de la journée à découvrir la partie inexplorée de l’île. A un moment, son attention fut détourné par un mouvement venant de derrière un bouquet d’arbre surplombant la mer. Il avança à grand pas dans la neige vers l’endroit. Une fois arrivé, il découvrit à ses pieds un autre débarcadère mieux équipé que celui où il avait accosté lui et Djaïna et à vue d’oeil une embarcation rapide couverte, à son bord deux personnes qu’il ne pouvait identifier. Néanmoins, il braqua ses jumelles, le rapprochement qui se fit, ne lui révéla  toujours pas l’identité des inconnus. Seul chose dont il était sûr, il s’agissait de deux hommes de race blanche et il avait relevé le numéro et la marque de la vedette.

Cet embarcadère était proche des communs du château, il était probable que le ravitaillement des lieux se faisaient par là.

Retournant sur ses pas, tout en réfléchissant à la soirée de la veille. La princesse Ekaterina avait évoluée d’un groupe à un autre mais était resté longuement auprès de deux groupes constitués de deux couples dans l’un et dans l’autre d’un vieillard entouré de deux jeunes gens et elle s’était entretenu avec eux en Russe.

La voix de la grande duchesse résonna à nouveau dans sa tête, il tressaillit : sur le moment, et plongé dans une atmosphère d’un autre siècle, il avait vue en la personne de la grande duchesse une copie conforme de la dame drapée mais un détail particulier l’avait frappée : sa voix.

Au début de leur rencontre, il avait cru reconnaître la voix de l’inconnue drapée qu’il avait à peine entendu en Australie tellement son avertissement avait été court, c’était les mêmes intonations mais en même temps non, “Me -suis-je trompé?” Se demanda t-il assailli par le doute, les sosies existent, et puis il ignorait tout de l’inconnue drapée, il  n’avait aucune idée de son identité tandis que la grand duchesse est une personne officielle Russe connue de tous bien que personnellement je ne la connais pas et elle n’est pas visible du point de vue médiatique, comment deux personnes aussi diamétralement opposés peuvent être la même personne, et avoir le même physique ? Et ont presque la même voix mais voilà il y a ce presque et cela fait une grande différence.”Il évoqua soudain les deux épées fichés dans le mur couvert de lambris au-dessus de la tête de la grande duchesse. Durant la soirée, il avait eu beau essayé de les voir de prés, il n’avait pas réussi et pour cause, un groupe de huit personnes debout là, lui avait barrés le passage.

Au dîner, l’air curieux de sa femme le fit sourire :

-Alors comment cela a été ta première journée ? Lui demanda-t-il.

-Très édifiante, cela ne va pas être de tout repos, la responsabilité c’est veiller sur les moindres détails, lui répondit Djaïna.

-Tu es suffisamment motivée pour cela, lui fit-il remarquer.

Elle acquiesça puis relevant les yeux sur lui :

-Et toi, je ne pense pas que tu t’es ennuyé ? Dit-elle.

-Oui et non, nous sommes parfaitement isolés et tout se fait dans un drôle de silence.

-Ah bon ! Explique, lui demanda -t-elle.

-Eh bien ! A part la directrice du lieu on ne peut approcher personne.

-Normal, Frantz, ils ne sont pas là pour faire la conversation par contre la remarque de la grande duchesse  était très drôle.

Il rit :

-Tu as raison, admit-il, la princesse ressemble comme deux gouttes d’eau à une personne qui a croisé mon chemin à Canberra.

Djaïna regarda en face son mari et au ton naturel de celui-ci, ne dit rien.

Soudain, elle observa :

-Tu as une bonne mémoire pour retenir les traits d’une passante.

-Non, Djaïna la personne en question a été un contact professionnel pendant un laps de temps court, lui répondit-il.

Devant cette précision, sa femme hocha la tête en silence.

En sortant de table, elle dit :

-As-tu programmé quelque chose ?

-Et toi ?

-Je vais prendre quelques notes et préparer la journée de demain, après je serais libre.

-Eh bien! Tu me parleras de ta première journée, fit-il.

La révision terminée, Djaïna déclara :

-72 heures bien rempli pour tout savoir sur la comptabilité de l’organisme.

Assis au coin du feu, Frantz répondit :

-Comment juges-tu leurs calculs ?

-Eh bien ! Très pointilleux, leurs fonds se divisent en trois part, celle régulière de la grande duchesse, la deuxième partie deux collectes annuelles régulières aussi et la somme modeste des inscriptions, remarque l’établissement n’est pas exclusivement consacrés aux bien-nés.

-Une bonne chose, malgré la présence d’un super-comptable, tu dois revoir les comptes, n’est-ce pas ?

-Oui, deux fois par an, la revue la plus importante est celle du début de l’année, à la mi-octobre et je ne dois être épaulé par personne, donc la moindre erreur me coûtera cher, fit la jeune femme.

-Assurément.

-Autre chose, la rétribution du personnel est tributaire de leur rendement et leur promotion aussi, il faut une conduite morale irréprochable et un exercice parfait, et là je suis dubitative.

-Pourquoi ?

-De nos jours, c’est très difficile de composer avec un profil impeccable et un professionnalisme à toute épreuve, expliqua Djaïna.

-Tu n’as qu’à soumettre la personne à un entretien serré pour juger par toi-même, fit son mari.

-Cela ne garantit pas le résultat escompté, Frantz, il faut effectuer une recherche poussée des antécèdants, et être inflexible là-dessus et je ne sais si j’en suis vraiment capable.

-Tu l’es, l’assura le jeune homme.

Le lendemain, il prit des photos du chateau médièval et évoqua la soirée pour relever un fait : personne n’avait utilisé caméra ou l’oeil d’un portable pour immortaliser l’occasion et pourtant côté comptabilité, ils utilisent l’un des meilleurs logiciels : Pennylane.

Soudain, il prit une décision “Je dois pouvoir voir de près cet épée aperçu hier.”

Il fit demi-tour, ayant situé mentalement la salle du trône comme il l’appelait, une fois arrivé, il releva les yeux et vit les grandes portes-fenêtres ouverts de l’immense salle. Il regarda à droite et à gauche, immédiatement la présence d’une tour crénelée à sa droite dans un angle parfait pour pouvoir voir à l’intérieur attira son attention. A grand pas dans la neige, il s’approcha de la base de la tour. Il y  avait une porte mais hermétiquement fermée.

Sans hésiter une seconde, il alla au bureau de madame Etuna et lui demanda la clef d’accés de la tour. Froidement, elle lui répondit :

-Il n’est pas nécessaire d’y pénétrer du dehors, vous sortez d’ici, prenez l’escalier d’honneur et vous verrez au bout du palier un autre escalier, montez et suivez jusqu’à ce que vous vous trouverez devant la porte de la tour au troisième étage, elle est ouverte.

Il la remercia et partit le pas lent. Cette lenteur était voulu, Etuna ne devait pas douter de son intention. Il appliqua ses instructions pour se retrouver au sommet de la tour. Là il se pencha par dessus le bord crénelée et lança un regard perçant vers la salle du trône-.

https://fr.rbth.com/art/88867-trones-tsars-russie*

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