-Je vais être franc avec vous, je suis déjà venu à Jérusalem participer à des colloques comme cette fois ou à des fouilles archéologiques, toutefois ce voyage-ci, étrangement je ne l’ai pas voulu, et en me trouvant là, je ne sais pourquoi, dès le premier jour mes pas me guidèrent malgré moi vers la partie arabe de la vieille ville.

S’interrompant, Soquello observa un temps de silence puis reprit :

-Ne nous fourvoyons pas, votre cause auprès des autorités judiciaires Israéliennes est perdue. Le droit d’un étranger de confession juif devance le droit de l’habitant authentique, il vous faudra recourir à d’autres autorités qui bénéficient d’une certaine influence.

Marwan fils approuva du chef et se tournant vers son père, il énuméra plusieurs noms d’associations et de comités de défense des minorités communautaires. Soquello ajouta :

-Vous avez aussi Monseigneur Di Béni le chef spirituel de la communauté catholique, et pourquoi pas le parti Israélien de gauche Meretz qui milite en faveur d’un Jérusalem multi-confessionnel. Voulez- vous que je prenne rendez-vous avec monseigneur Di Béni ?

-Oui, nous voudrions le voir, fit le vieillard.

-Bien, fit l’Américain, puis d’un ton mesuré, il dit :

-Avez-vous de quoi subvenir au frais de la défense ?

Le père et le fils se regardèrent un bref instant :

-Dieu merci oui. Je suis maçon dans l’entreprise d’un Israélien, Moshe Goldberg et mon père est jardinier dans une maison juive de la ville moderne, et dusse t- on vendre tout ce que nous possédons, nous ne baisserons pas les bras. Lui répondit dignement le fils.

Se levant, Soquello mit fin à sa visite. Les Marwan tinrent à le reconduire jusque dans la rue, le vieillard, en lui serrant longuement la main fit le ton vaillant :

-Nous vous sommes infiniment reconnaissant pour votre courageuse et objective position.

Emu, Mario Soquello fit :

- Je vous en prie, monsieur Marwan, apprenez ceci, la conscience humaine est une et indivisible. Dites à votre avocat qu’il peut me citer à la barre, au revoir.

Il partit très vite coupant court aux remerciements du père et du fils. Rentré à l’hôtel, il forma le numéro de Salma Hakani. Cette dernière, après un court échange de propos de courtoisie lui annonça :

- Monsieur je vous ai obtenu une entrevue avec le ministre du culte Palestinien, cheikh Radhi. Il recevra les Marwan demain matin à neuf heures, notez l’adresse s’il vous plaît. Il inscrivit rapidement ce qu’elle dictait :

-J’ai aussi pensé à appeler le doyen des avocats palestiniens, maître Mehdi Nather. Il se déclare prêt à prendre la défense de la famille Marwan et si le besoin se fera sentir d’assumer les dépenses qu’occasionnera certainement l’affaire portée en justice.

-Formidable ! Exulta l’archéologue, vous avez fait de l’excellent travail, madame Hakani.

La distinguée vieille dame palestinienne l’interrompit en protestant :

- Monsieur Soquello, je vous en prie, c’est le moins que je puisse faire pour mon peuple, c’est vous et votre carrière qui êtes source de mes préoccupations. Vous prenez un risque énorme en vous impliquant de la sorte. Les Israéliens sont impitoyables avec ceux qui se rangent contre eux.

Elle entendit le rire sincère de l’Américain :

- Rassurez-vous madame, ma notoriété est faite. A mon âge ce ne sont pas les intimidations ou les menaces voilées qui vont m’effaroucher, et puis le témoignage que je vais apporter à l’affaire Marwan sera de l’aveu des milieux spécialisés, objective et neutre. Je ne leur dénie pas le droit de vivre dans la ville sainte. Ils ont autant de droits que les chrétiens et les musulmans, mais qu'ils vivent en ne semant ni la peur ni le terrorisme socio-politique-économique envers les autres communautés raciales et religieuses. Ce qui compte vraiment pour moi, l’archéologue, c’est d’agir rapidement.    

-Je suis tout à fait d’accord avec vous, l’approuva Salma Hakani, depuis le temps que nous devrions enclencher un mouvement en faveur des droits communautaires, je ne vous retient pas plus, bien sûr nous demeurerons en contact pendant les jours à venir, lui proposât-elle.

-C’est Ok, dit-il.

Le soir, il dîna avec le directeur du centre de recherche Français et les participants au congrès. Le séminaire avait vécu ce jour là sa cérémonie de clôture. A la fin du repas, le directeur Francis Lemercier observa d’un air dégagé :

-Avez-vous profité de votre séjour parmi nous, Mario ?

-Tout à fait !

-Quelqu’un a cru vous apercevoir entrer dans une maison arabe de la vieille ville, ajouta Lemercier.

Imperturbable l’Américain fit :

-Je faisais un travail de détective. Je ne vous donnerai pas les détails, vous les connaîtrez bientôt par un intermédiaire quelconque.

Ayant clos le sujet, l’archéologue sourit au Français.

Le lendemain matin, il passa à l’hôtel de Patricia Quimbo :

- Tu es matinal, fit-elle en buvant son café tranquillement dans le restaurant du premier étage.    

-Je suis venu te remettre l’acte de velours, et voici le rapport qui en résulte, mené par moi, Judd Wead, Haim Mourah, et Benjamin Grove du MIT de Boston. Quant à ces deux feuillets, tu peux les considérer comme un essai, une explication plausible à l’existence de cet acte, tu peux agir à présent. Fit Mario en tirant de la pochette une disquette et deux feuillets imprimés. Patricia les parcourut soigneusement, elle s’exclama à la fin, les yeux exorbités :

-Cela ne peut pas être vrai …

-En ce qui concerne le rapport, tout est vrai, affirma-t-il calmement, ce serait mettre en cause la crédibilité des auteurs de cette recherche, y compris moi.

Elle s’écria, indignée :

-Mais je suis révoltée par ce que tu avances sur ce papier, nous crois-tu capables de pareille infamie ?

-Je crois ce que ce tissu m’a inspiré, cet acte de velours est une preuve tangible, matérielle, répondit-il le ton froid.

-Qu’insinues-tu ?Que nous autres juifs sommes des barbares, comment peux-tu nous juger à partir de …

Il l’interrompit :

- Je ne juge personne, je condamne les intentions de ton ancêtre de prétendre à la possession d’un bien qui ne lui est pas dû, et maintenant, est- ce que tu as toujours l’intention d’arracher à la famille Marwan leur domicile ?

-Je vais confier cet acte à Joseph Qamn de l’université Hébraïque avec son équipe de jeunes futurs historiens. Ils le soumettront à une contre- expertise, désolée, Mario, je ne crois pas à ta

version des faits. Je ne crois pas mon ancêtre coupable d’un faux, et puis cette Salma Hakani que tu cites, moi, je mets en doute sa crédibilité. Tout palestinien a une rancune maladive contre tout ce qui est juif. Pour le reste, je ne renoncerai pas ; j’aurais ce rez-de-chaussée ! Répondit l’Argentine.

Se levant Soquello lui lança :

-A ton aise, je te souhaite bonne chance, au revoir.

-Attend un peu, je ne veux pas que tu prennes ombrage de ma décision, je ne met pas en doute la neutralité du groupe…

Il lui coupa la parole en souriant :

- Bien au contraire, je loue ta décision. Elle viendra confirmer le résultat de nos recherches, et cela confortera le dossier de tes adversaires. Je suis déçu par le fait que tu sois disposée à t’approprier un bien qui n’est pas le tien. Je suis encore ici, je dois témoigner d’abord dans cette affaire d’expropriation. Tu dois savoir que mon camp est celui de la vérité. Je resterai pour voir la suite des évènements.

Le visage de la jeune femme s’efforça de simuler un sourire :

- Ne sois pas aussi sûr de toi, la contre -expertise peut infirmer le contraire. Tout compte fait, je pense que je me suis fait avoir en t’appelant à mon aide !

Il fit d’un ton paisible avant de s’en aller :

-C’est ce que j’aimerais savoir figure-toi, qui de nous deux a eu l’autre ? Nous le saurons tôt ou tard Patricia.

FIN

Légende:

*Chaheda : signifie en arabe témoin au féminin.

*Omar :compagnon du prophète Mohamed (S) ,deuxiéme caliphe rachid , homme juste , assassiné en 644.

*Seldjoukide: (1055-1310) la dynastie descend de la tribue Orghouz venue d'Asie centrale.

*Fatimides : (909-1171) dynastie fondé par Ubayd Allah qui se proclame Caliphe en 909 en Tunisie.

*Meretz : Parti Israélien de gauche réformiste.