Assise, buvant son café Turc, elle relisait le rapport qu'elle devait envoyer incessament à un directeur de rédaction impatient. Dehors la pluie était diluvienne et il se félicitait qu'elle était freelance, travaillant chez eux. Il prenait son petit déjeuner dans le silence matinal. Parfois, il la regardait et elle sentant son regard, elle relevait ses yeux et le récompensait d'un sourire.

-Est-ce que cela va ?

-Non, je n'ai plus aucun aucun contact avec mon correspondant à Gaza, j'imagine le pire ...lui dit-elle en reposant le feuillet sur la table. Une partie de la cuisine était en verre et le matin généralement il tirait les rideaux et prenait plaisir à partager son premier repas avec sa femme, invisible du dehors, ils admiraient tous deux le réveil de la nature, leur petit appartement donnait sur un bout de bois et le paysage de verdure était un plaisir de la vue.

Ce matin, tout était morose, avec une guerre d'agression impitoyable à Gaza, sa femme vivait avec ses nerfs la situation tragique et il se lamentait sur sa propre indifférence à lui, l'émotion était là, c'était atroce ce que vivait les Palestiniens mais un homme comme lui était tourmenté par un autre souci comment être un plus à une société humaine qui s'éveille peu à peu après un long coma. Il avait une immense empathie pour les suppliciés mais avec un esprit pratique comme le sien, il devait agir là où le destin l'avait mis.

-Ecoute, il ne faut pas oublier que à toute chose il y a une fin et que aucun de nous  n'est capable d'arrêter le cours de l'Histoire, il y a des étapes nécessaires dans la gestation de tout renouveau civilisationnel, lui dit-il en repliant sa serviette.

Il la vit sourire de ce sourire limpide bien à elle :

-Tu es doué pour simplifier les pires moments que puisse connaître un être humain que dire d'une population exténuée par un blocus de plus de 17 ans et des guerres qui s'enchainent à longueur de décennie, c'est dure de rester là dans son cocon sécurisé et écrire sur eux là-bas qui n'ont pas le pouvoir de s'en sortir pris au piège d'un système arabe corrompu ...lui répondit-elle.

Il hocha la tête, jeta un dernier regard sur elle assise en train de contempler son café turque de l'air de quelqu'un qui a déjà quitté son corps et qui s'envole pour une destination qu'il connaissait le mieux.

Il vérifia les appels de son portable, et se penchant sur sa femme il passa sa main sur son visage :

-Tu es bien là et moi je suis bien là et je t'en prie ne m'affoles pas, je veux retrouver à midi la femme phare qui tiens bon et crois moi c'est un tel bonheur pour moi que de retrouver ma femme à moi.

Il réussit à la faire sourire encore une fois et il lut une promesse dans ce sourire.

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A midi et demi, un soleil neuf éclairait le ciel et les humains, elle l'attendait au pied de l'immeuble :

-On va déjeuner chez maman, histoire d'oublier un peu, lui proposa t-elle.

Il accepta volontiers, tout sauf son visage triste au dessus de sa tasse de café Turque.