Un vrai matin de brume, Ina marchait seule dans le sentier :"Maman dort, c'est le moment ou jamais..." se disait-elle. De tout côtés c'était des champs de riz, pas âme qui vive autour d'elle, cinq heures du matin et c'était encore heureux, qu'elle voyait suffisamment pour avancer.

Ina devait arriver aux abords d'un entrecoisement de piste. Là, elle compta dix pas au sud puis sortit du chemin mouillé. Elle devait maintenant avancer prudemment. A l'aide d'une baguette de bambou, elle tâtait le terrain :

"Ouf ! Je suis au bout de mes peines."

S'agenouillant, elle chercha de ses mains le talus qu'elle avait commencé à creuser la veille. Toute à sa tâche, elle n'entendit pas des pas silencieux.

- Eh bien ! Ma petite fille, tu es bien matinale !

De surprise, elle se rejeta en arrière, une silhouette indistincte dans la brume et c'était tout.

- Que fais-tu ?

- Qui êtes-vous d'abord ? S'enquit-elle.

Un rire lui parvint :

- Oh ! Eh bien ! Je suis le vent et la pluie qui s'annonce dru cette journée.

- Vous plaisantez.

Quelque chose la frôla et soudain surgit à ses côtés une bohémienne.

- Non, ne touchez pas, fit fermement Ina en repoussant sa main.

- J'aimerais t'aider.

- Merci, je sais creuser et il ne me reste pas beaucoup.

- Tu vas au-devant des épines et des réprimandes.

- Qu'en savez-vous ?

- Veux-tu que je te lise la main ?

- Pas du tout, voulez-vous me laisser, je vous prie.

- Oh et comment ! Repartit l'inconnue.

L'enfant se mit debout dans l'attente du départ de la femme :

- Tu iras loin, tu souffriras et ta pomme violette ne te quittera pas.

Imperturbable, Ina guettait. A nouveau seule, elle revint au trou, "Pomme violette ! Cette femme sûrement divague!"

Les mains boueuses, elle redoubla d'effort, bientôt ce sera l'heure du petit déjeuner et les halos de brume apporteront la voix mécontente de sa mère.

"Allah Akbar, j'ai réussi!" S'écria -t-elle heureuse, une eau douce et claire coula entre ses doigts : "Mon instinct était dans le vrai, il y avait une source souterraine et enfin j'ai pu la repérer." A son retour, au grand chalet, Ina la mine réjouie mais penaude affronta le regard sévère de sa maman :

- Eh bien ! Tu t'en vas sans crier gare et tu me reviens dans une apparence lamentable, regarde tes pieds et tes mains ! Où les as-tu fourrés ?

Elle répondit par une excuse :

- J'ai enfin trouvé la source qui alimente notre piscine maman !

- Ina ma chère enfant assez d'imagination et va faire ta toilette, ta tante Alisha arrive et on doit être présentable.

Docile, Ina s'exécuta. Sa tante, femme d'affaires, atteignit le haut de la montagne Pundak à onze heures. Ina la reçut avec un grand sourire :

- Tantine viens-tu voir ma source d'eau ?

- Je le ferais bien volontiers, mais donne-moi le temps de me rafraîchir.

- Non ne la suis pas, Ina pourquoi importuner ta tante avec ces sornettes ?

Elle protesta :

- Mais c'est la vérité.

Coupant court, Alisha Shabou fit, en glissant dans la main de Ina un objet :

- Va t'amuser et garde ceci pour toi.

S'éloignant, Ina ouvrit  sa main et resta muette !

Alisha lui avait offert un collier en or avec comme pendentif, une pomme violette !

Après réflexion, Ina se dit:

-Il se peut que la bohémienne a vu juste mais ce n'est que parce Allah l'a voulu !