Il avait fait un long somme. Emergeant de son lourd sommeil, Ara cligna les yeux vers le soleil à mi-parcours au-dessous de la voûte céleste, se soulevant sur ses petites jambes il regarda à droite et à gauche, personne. Quatre mois de marche derrière lui, quatre heures demeurait encore au devant de lui.

- Je suis prêt, dit-il.

La voix de son ombre éclata tout à coup :

- Moi je n’en peux plus !

- Tu ne sais pas ce que c’est l’éternité ! lui répondit-il en se remettant à marcher de son pas régulier et sûr.

- Ce n’est qu’une histoire débitée par un vieillard, rétorqua l’ombre.

- Un vieillard ! répéta outré Ara, grand-père avait à sa mort 54 arbres dans son pré, pourquoi me suis-tu si tu n’y crois pas du tout ?

Le silence répondit au petit garçon de sept ans, il ne quittait pas un sentier étroit et aride. Pas une motte de terre sur le plat ou le rebord du chemin, pas une touffe d’herbe ne se balançait au vent et d’arbre il n’y en avait tout simplement point. Maintenant qu’il approchait du but de son interminable voyage Ara avait envie de parler mais le radotage de son ombre  ne lui plaisait pas.

- Il y a moi ! fit une toute petite voix presque indistincte, ahuri il regarda de tout côté :

- Je suis ici, fit encore la miniscule voix.

- Où  ici ? S’exclama t-il.

- Tout prêt de votre sandale de cuir.

Baissant la tête, il fouilla attentivement le sol, il n’aperçut qu’une fourmi noire.

- C’est moi la fourmi Ya.

- Et moi c’est Ara, fit-il tout de suite. Il ne voyait pas le désappointement de son ombre et son air boudeur.

- Où vas-tu Ara ?

- Au fleuve de la montagne d’or, répondit-il tout content de lui. La fourmi Ya s’écarta ostensiblement de ses pas.

- Crains-tu que je t’écrase ? S’enquit-il.

- Oh non ! seulement mon chemin n’est pas le tien, répliqua sèchement la fourmi.

Etonné, Ara voulut connaître la destination de la fourmi.

- Je vais vers une contrée plus clémente, la vallée des chênes blancs.

- Oh là là ! fit Ara les yeux grands ouverts, y a-t-il des chênes blancs ?

- Dans la vie, il y a de tout mon garçon, fit laconique Ya.

- En effet mon grand-père me l’a assuré de son vivant, affirma Ara en branlant la tête.

- Tu veux rejoindre ton grand-père ?

Un sourire égaya le jeune garçon :

- Oui, je veux le retrouver dans l’éternité.

- En courant au devant de la mort ? Fit d’un ton vif Ya.

- La mort gît dans la montagne des ossements d’où je viens et là où je vais il y a une vie éternelle, fit l’air énergique Ara.

- Tu te trompes alors, fit dans un grand soupir la fourmi.

- Grand père ne s’est jamais trompé ! et ignore le mensonge. Protesta indigné Ara.

- Que t’a-t-il raconté ?

- Une histoire. Au fleuve de la montagne d’or, une gorgée après 72 heures de soif  me rendra éternel.